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Roll Again

 

 

Dépendant, aliéné, sans voix et sans audace,

Sortant d'un premier rêve enrobé de douceurs,

Advint pour moi le temps d'exploser cet espace,

Hésitant, frémissant, d'affronter la douleur.

Abandon, le premier, d'un amour absolu,

Un départ sans retour, un départ obligé,

Quitter l'eau pour le ciel, un nid pour l'inconnu,

Tomber en pesanteur pour apprendre à nager,

Vivre, simplement vivre, hors de l'amour sans mots,

Lancer ce premier cri, le seul et le plus beau :

 

Je continue, je... continue!

 

Alors j'ai avancé, sans autre boniment,

J'ai poussé vers le haut et puis vers le devant.

J'ai imposé ma vie, j'ai imposé ma voix.

Bien d'autres aussi l'ont fait et souvent contre moi.

Lors nous avons vécu, cocus et solennels!

Civilisés, sauvages ; inutiles, essentiels.

Nous abolissions tout pour être intronisés.

Nous tombions des murailles pour les mieux justifier.

La vie nous ménageait qui voulait notre corps,

En ultime retour sans nous le dire encore.

 

Je continue, je... continue!

 

J'attrapais de la barbe et un peu de cervelle,

Paradant insolent, sublime et éternel,

L'univers à mes pieds, le bonheur par-dessus!

Au plein cœur d'appétit j'ai su mon impuissance

À seulement gérer le cours de mon destin.

Las, il était trop tard pour rebrousser chemin,

Car j'avais effacé les pas de mon enfance,

Oublié des amis qui m'étaient trop connus!

Qu'importe ils reviendraient, ignorant mes absences,

Entonner avec moi ce chant d'indépendance :

 

Je continue, je... continue!

 

 

La vie dégoupillée m'a pété à la gueule,

A ruisselé du sang sur mon cœur par trop nu.

Au milieu des couleurs a surgi un linceul,

Des pages écarlates m'ont décliné la mort.

Dès lors j'ai survécu, aveugle, heureux, têtu,

Réinventant l'oubli, m'enfermant en mon corps.

Il devenait patent qu'en ce monde banal,

On paie les intérêts sans voir le capital,

Je me suis redressé pour nier cette imposture,

Don Quichotte moderne armé du cri blessure :

 

Je continue, je... continue!

 

Ces images sordides du fond de la planète,

Ces cœurs déchiquetés tombant dans nos assiettes,

Et ces révoltes sourdes que toujours réprimons,

Avec pour seule issue, cramponner le timon,

Toutes ces politesses filles d'hypocrisie,

L'incapacité mienne à dénoncer la vie.

Le refus de mon corps à quitter ces horreurs,

Moi qui ne sais que vivre, même au sein du malheur,

Par des compromissions niant leur sens aux mots,

Et ce cri éructé s'arrachant à mes os :

 

Je continue, je... continue!

 

Il a fallu tout boire : le nectar et la lie,

Continuer à sourire, même dans les tortures,

Tortures infligées ou tortures subies.

Il a fallu tout prendre, le vinaigre et le miel,

Étreintes et baisers, atteintes et morsures,

Puis se retrouver nu en plein sixième ciel.

Un petit négrillon au bord de mes errances,

Qui rit, explose en vie, qui de pleine innocence,

Jette toutes ses dents aux éclats du soleil,

Et je repars, heureux, à moi-même pareil,

 

Je continue, je... continue!

 

 

Un terrible poison, qui s'insinue glacial,

Et qui bloque les veines, les rêves, les envies,

Commence à envahir mon tréfonds animal,

Et voudrait m'interdire tout nouvel appétit.

Je le croisais le jour où mon père me quittait,

Je le sais aujourd'hui gentiment installé,

Cette froidure atroce, palpable et qui me guette,

En a tant atterré du troupeau que j'aimais,

Qui m'ont laissé perdu au coin de la planète,

Que je ne pense plus pour seulement bramer :

 

Je continue, je... continue!

 

Bien tard vieillard perdu, assis dans mes rejets,

Si mes odeurs acides indisposent mon nez,

Si tous les sentiments s'envolent de ma tête,

Tant pis si les douleurs, tant pis si les sornettes,

Tant pis si les fatigues remplacent les émois,

Entre tous ces tuyaux et toutes ces potions,

Qu'aujourd'hui je réprouve, je renierai mes fois,

Je brûlerai mes livres, trahirai avec zèle,

À seule fin tous les jours de balancer au ciel,

Cet inutile chant qui tue les compassions :

 

Je continue, je... continue!

 

Quand la totalité du total de mes pas,

M'aura cassé, lassé, que je serai sans joie,

À la limite même du vouloir et du songe,

Si l'amante camarde se couche enfin sur moi,

Dans un dernier effort, dans un premier mensonge,

Vers cet homme de foi que je n'écoute pas,

Suprême lâcheté, j'allongerai le bras,

Je prendrai son ticket, à seule fin légitime,

D'éjaculer au monde qui s'en fout et s'en va,

Le chant originel au bout d'un râle ultime :

 

Je continue, je... continue!