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Un autre rivage  Roman
Format ex-libris  14,8*21 Broché  242 pages

Réédition 2022 modifiée

ISBN 978-2-918342-05-2   © Marc Pottier 2016
Le livre 24 € franco toutes taxes
 

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CDUARCD

 CD MP 3    
6 heures d'enregistrement

   
ISBN 978-2-918342-12-0

  
10 euros franco TTC
 
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Les drames atterrissent un peu n’importe où, c’est ainsi.

 Pourquoi pas au milieu de ces amis qui banquètent en riant ?

 Pourquoi pas ?

 

                  

 
Votre manuscrit est bien écrit et traite d’un sujet fort intéressant.
Cependant il ne correspond pas à notre ligne éditoriale, en effet nous publions que très peu de romans.
Nous vous encourageons néanmoins à poursuivre vivement vos recherches de publication,
Éditeur Suisse

Roman passionnant, plongée saisissante de réalisme au cœur de la vie d’un homme dont l’existence bascule après l’assassinat de son meilleur ami. L’intrigue est forte et intense, notamment portée par des personnages attachants et un suspense habilement entretenu jusqu’à un dénouement final réussi et inattendu.  J.E

Passionnant mais j’en voudrais bien un peu à l’auteur : j’ai brûlé une casserole pour n’avoir pas voulu poser son livre !      Juliette B.

 Si l’histoire est passionnante et surprenante, il manque à mon goût des descriptions et des développements comme je les trouve chez d’autres auteurs. Les scènes concernant la pédophilie me paraissent trop longues.         Peut mieux faire !         Pascal L.

L’auteur donne ici l’impression d'avoir vécu son roman, bravo !    Marie R.

 J'ai beaucoup aimé ton roman, tout d'abord pour l'histoire originale et surprenante... Le caractère de chaque personnage est fouillé, approfondi. Ils ressemblent à des personnes qu'on peut connaître. Il y a aussi les lieux, pour nous familiers. C'est plus facile pour visualiser l'histoire. .. Tous ces éléments font qu'on rentre de plein pied dans l'histoire qui se déroule autour de nous… P

 

Une écriture dense et sensible au service de personnages attachants entraînés dans une aventure dramatique à laquelle ils tentent de résister par leur seule humanité. L’auteur laisse le lecteur libre, il suggère, propose, sa manière tient de l’impressionnisme et il n’est pas étonnant de rencontrer Monet dans les promenades qu’il nous propose.  

Marius. R.   (Je me suis permis de corriger mon lecteur, c’est bien Claude Monet qui s’est intéressé à Rouen et à sa cathédrale en réalisant d’elle notamment vingt-huit toiles dont une vingtaine sous le même angle à diverses heures de la journée sous divers éclairages depuis son atelier situé au-dessus de l’actuel Office de Tourisme et des Congrès et non de Édouard Manet, merci toutefois pour le gentil commentaire.)

   
 

Le début de l’année 1985 a laissé quelques souvenirs frigorifiés, quelques records aussi. C’est par ce genre d’évènement que parfois on se situe dans le temps ; pour Pascal Pasquier, la référence est toute autre, elle se situe à l’automne dans le port du Tréport en rivage de Manche. Il n’y a pas pour lui d’autre évènement cette année-là, il est bien possible qu’il n’en soit pas d’aussi important dans toute sa vie.

 

       Un attroupement retient l’attention de Pascal, l’attire. Il est venu au Tréport pour rencontrer son ami Benoit, Benoit Seguin, de bons amis depuis l’école, ils ont tout partagé et ne se sont jamais perdus de vue malgré des parcours très différents. Amis à l’école, puis amis dans la vie, amis célibataires et puis amis après leurs mariages et la naissance de leurs enfants. Les inséparables, les surnommait-on souvent.

Son appréhension monte, des badauds se tiennent en haut du muret qui surplombe la plage observant des secouristes s’empressant autour d’un corps allongé, un cordon de policiers les empêche d’approcher davantage. Un véhicule du SAMU vient de se garer. Pascal est pris d’un sentiment bizarre, un sentiment qu’il ne connait pas, sa respiration est difficile, il a parfois l’impression qu’elle va s’arrêter. Ses jambes ont peine à le porter. Ce n’est pourtant pas la première fois qu’il rencontre ce genre de scènes, il est souvent en déplacement pour son travail et malheureusement elles lui sont un peu communes. Á 34 ans, c’est bien un peu tôt se dit-il pour avoir des malaises, il est à toucher les badauds, mais doit s’asseoir sur le muret pour retrouver son souffle, sa tête tourne un peu. Dirigeant son regard vers la plage bordée de galets, il aperçoit le corps autour duquel s’affairent les secours ; les pompiers l’ont maintenant déposé sur une civière et ferment sur lui un grand sac noir. « C’est fini pour lui » songe-t-il et il trouve là une explication à son angoisse, à ses malaises. La mort a dû lui envoyer ses sombres ondes.

       Il va mieux à présent et retrouve le monde, il commence à écouter les badauds, mais plus il les écoute et plus la description qu’ils donnent de l’homme, c’est un homme, plus il pense qu’elle est proche de celle de son ami et l’angoisse de nouveau monte en lui. C’est vrai qu’ils avaient rendez-vous par-là, c’est vrai qu’il portait un costume gris clair, le plus souvent, c’est vrai…

       Alors, au prix d’un grand effort il va vers l’ambulance, malgré le cordon, la foule des badauds est dense et se densifie encore ; il ne pourra voir grand’chose, d’autant que le corps est maintenant prisonnier de son sac de mort. Les portes de l’ambulance sont fermées et le véhicule quitte le bord de mer. Il avise un policier qui essaie de gérer la petite foule, les invitant à se retirer, s’assied encore sur le muret et attend que le calme revienne un peu. Il se lève enfin et s’approche du policier pour lui faire part de ses craintes, de son appréhension.

       « Bonjour, j’avais rendez-vous ici avec un ami, ce qu’on dit du mort lui ressemble un peu, savez-vous qui ce peut être ? »

       « Pour l’heure on ne sait trop rien, si ce n’est qu’il ne doit pas être d’ici, la ville n’est pas très grande et on connait tout le monde. Attendez un peu que les gens se dissipent et accompagnez-moi, s’il vous plait à l’hôtel de police, peut-être en saura-t-on un peu plus, peut-être pourrez-vous nous aider à l’identifier, mais ça, je ne vous le souhaite pas ! »

       Quand Pascal fait tourner ces évènements dans sa tête, c’est bien ainsi qu’il sait raconter l’histoire et c’est bien là la vérité !

°°°°°°

« Tu veux boire un chocolat ? »

Après la petite discussion et malgré ma fatigue, j’étais bien éveillé.

« Bah oui, je veux bien. »

Je l’ai suivi à la cuisine, déserte à cette heure-là et il a préparé le chocolat. Quand il a été prêt, il m’a proposé de venir le boire dans sa chambre, ainsi nous pourrions discuter plus à notre aise, il se proposait de me montrer justement des photos d’anciens qui avaient "réussi" en prolongement de notre discussion passée. Vu le ton du moment que nous venions de passer, je n’avais aucune raison de me méfier. Et de quoi aurais-je-pu me méfier ? Je me demande même aujourd’hui s’il avait à ce moment des intentions… »

« Des intentions ? » s’interroge Pascal.

« Je vais te raconter, mais laisse-moi le temps s’il te plait, ce que je peux déjà te dire, c’est que depuis que nous avons parlé au bois du Roule et depuis que tu es plus près de moi, il ne s’est rien passé. Peut-être moi suis-je aussi différent, je le sens en tous cas. »

« C’est que tu es beaucoup mieux depuis et ça se voit, il y a même des copains qui m’en ont parlé, vraiment heureux de ça. »

« Il… il a d’abord sorti des photos d’anciens comme il me l’avait dit et nous avons commencé à boire notre chocolat. Peu à peu je me suis senti envahi d’un sentiment bizarre, comme si les choses changeait autour de moi, l’ambiance devenait plus feutrée, lui parlait moins fort, il ne semblait plus s’intéresser aux photos, aux anciens, il dérapait. Il m’a regardé, j’étais figé, glacé, je me souvenais de l’entrevue dans le bureau, au collège et de la gêne qui était née ce jour-là. Il était couvert de sueur, très mal à l’aise. Il s’est approché de moi.

« Tu sais… tu sais… »

 

« Il est venu vers moi, m’a caressé les cheveux… »

Benoit sent monter en lui des sanglots qu’il ne peut réprimer, il s’effondre, Pascal s’approche de lui, attrape ses épaules, le secoue gentiment :

« Ce n’est rien, je suis là, je suis là. 

Je suis là, et puis c’est pas grave, tu me raconteras tout ça une autre fois, je commence à comprendre, l’important est que tout soit fini, que tu aies pris le dessus, l’important pour moi c’est aussi que j’ai pu t’y aider.»

 

Benoit lui sourit. Il a bien envie de continuer à se libérer, vraiment envie, mais il est épuisé, ce retour sur ces évènements l’a anéanti, il découvre que le mental fatigue parfois plus que le physique. Il a maintenant surtout envie de dormir. Il sait qu’il va dormir d’un sommeil apaisé. Il ressent profondément le besoin de retourner dans l’espace de sommeil, l’espace protecteur et amnésique qu’il n’a pas connu depuis de trop longs mois. Il peut compter sur Pascal, il sait qu’il reviendra, dès demain peut-être. Il sait que l’essentiel est dit, que son ami a compris, il s’endort.

Il s’endort, enfant heureux et il suce son pouce.

Pascal le laisse à ce bonheur retrouvé et prend congé des parents de son ami.

« Je m’en vais, bonne soirée. »

« Bonne soirée Pascal, tout va bien ? »

 

Pascal n’a pas vraiment envie d’entamer la conversation, mais il sait que les parents de Benoit sont inquiets à son sujet, ses parents sont aimants et attentionnés, il a compris qu’ils étaient aussi en inquiétude depuis quelque temps, alors, il s’attarde un peu, s’assied.

« Oui tout va bien, Benoit dort… »

« Déjà ? »

« Oui, il était très fatigué.»

°°°°°°

Pascal est sur la promenade du bord de mer, l’esplanade de la plage, il flâne, le temps lui est clément, ni trop chaud, ni pluvieux ou venteux, un temps qui fait en sorte que l’on ne s’intéresse pas à lui. La plage du Tréport et sa voisine de Mers-les-Bains, sont plages de galets et il faut mériter sa baignade, avoir la patience d’attendre que la mer consente à découvrir le sable qu’elle livre avec lenteur, mais les bonheurs différés ne sont-ils pas les plus grands ? Ces deux plages sœurs ne sont pas de même administration départementale : l’une est en Seine-Maritime et Normandie, l’autre en Somme et Picardie du fait de la Bresle, le petit fleuve côtier qui les sépare, elles partagent pourtant la même gare et beaucoup d’autres choses encore. L’autre attira les riches familles des filatures du Nord qui y établirent de splendides demeures ouvragées en bord de mer. Architecture mêlant la pierre, le bois charpenté en dentelles, et la céramique colorée ; l’une plus habituée à la simplicité d’un port de pêche et aux bâtisses sobres et discrètes. Il sembleraient que ces deux se soient assez bien entendues pour attirer de Paris, Rouen, Amiens, Roubaix et ailleurs des vacanciers tentant en tenue de bain d’effacer leurs frontières.

Voilà vingt-cinq années qu’il n’a pas mis les pieds ici, tout a changé mais rien en lui, il se retourne vers le phare et la lourde passerelle en bois qui le relie à la terre, il prend l’embrun et le vent du passé.

Ferme les yeux.

Le 21 Septembre 1985 Benoit devait se trouver sur cette passerelle, il était heureux, fou mais heureux. Benoit, son ami, il ignore si ce sont les embruns ou des larmes, mais ses yeux sont humides. Il s’assied. Demain s’en sera le triste anniversaire.

Tourne sa tête vers le large, entrouvre ses paupières, la marée a découvert une profonde plage de sable qui égaie quelques enfants attardés que l’école a dû oublier là.

Il attarde son regard sur eux, trois petits avec leur gouvernante, il rigole un peu à l’évocation de ce mot d’une autre époque.

Sans les quitter du regard, il se lève et poursuit sa promenade vers les falaises et se retourne une nouvelle fois vers la passerelle du phare, le recul lui donne une autre impression, cet endroit qui a été le théâtre de la rixe qui a tué son ami et de la chute de son corps, vu d’ici cela parait si petit, si dérisoire comme a dû être cette rixe. Il s’est approché du pied des falaises, elles l’écrasent et c’est ici lui qui devient dérisoire coincé entre ce mur de craie et la mer qui n’offre qu’elle-même comme horizon. Si petit, si faible et qui traîne son malaise.

Il est au Tréport depuis deux jours et n’a fait que se promener, la plage, le port de pêche, le port industriel, les petites rues de la vieille ville où il avait croisé Henri ; il a pris l’atmosphère, laissé flotter sa tête.

Il a tourné ses pas et revient vers le phare, son regard ne le quitte pas, plus il en approche, plus l’angoisse monte en lui, il doit s’asseoir sur le muret à deux reprises, il n’est pas vieux à 58 ans, il est usé.

Finalement il bifurque, prend à droite en direction du front de mer, une construction en béton des années cinquante, qui n’est manifestement pas à la hauteur de la beauté du lieu mais offre l’avantage certain d’abriter la vieille ville basse des morsures du vent, ce vent qui s’invite ici bien souvent ici apportant le froid de la mer et dont on s’abritait en glissant des journaux sous les pulls. L’ambiance change d’un coup, tout devient paisible, l’intimité de petites rues où les voitures peinent à circuler, petites rues dans lesquelles on peut voir de près le visage des gens et pourquoi pas les saluer. Son angoisse disparait, il évite soigneusement la place Notre Dame, il s’y rendra plus tard, quand il se sera un peu apaisé. Il remonte vers le cœur de la ville qui se niche dans un affaissement des falaises, liaison entre une verdoyante campagne et le port. Il passe sous la vieille porte du moyen-âge et côtoie l’ancienne prison, remonte vers la croix de pierre, oblique par le marché couvert et rejoint la place de l’église Saint Jacques dans laquelle il pénètre, elle est toute simplicité à l’image de ce peuple de mer, une immense toile évoque un Jésus calmant la tempête, combien de prières ont voulu s’élever pour conjurer les mauvais "coups de tabac", les mains privées de leur doigts, les cordages qui amputent, les mauvaises pêches, les corps projetés dans le tourment des vagues et les naufrages. Ici on est humble.

Pascal sort par le fond de l’église et sur sa droite pousse la lourde porte qui sépare du vent et de la mer, même aujourd’hui, avec un temps clément, il est surpris par une bourrasque qui le ramène brutalement dans l’agitation du port. Il redescend les marches prenant bien le temps de profiter de cette vue magique, et puis retourne vers le phare, encore, en fait le tour et s’arrête un instant à l’endroit où on a retrouvé des traces de la rixe, son esprit se brouille, il a les tempes douloureuses. Des images défilent à vive allure dans sa tête, il ferme les yeux, agite les bras comme pour les éloigner, quand il ouvre les yeux, il trouve les regards étonnés de quelques passants et poursuit son chemin vers la promenade de la plage et puis les falaises. En chemin se pose quelquefois sur le muret de pierre. Et il revient vers le phare, emprunte la passerelle constituée de lourdes poutres posées sur une structure de bois fichée sur des piles de pierres et béton ; entre les poutres on aperçoit la mer, il est fasciné par le spectacle de cette eau qui joue entre les bois. De nouveau des images remontent, un bruit aussi, un bruit de lutte et de nouveau ses tempes bourdonnent, il a des vertiges et doit vivement s’avancer vers le muret de pierre qui entoure la jetée du phare pour se poser. Il calme sa respiration par de petits exercices que son docteur lui a appris, retrouve son calme et repart. Mais l’image et le bruit qui lui sont apparus, qui lui sont revenus sur la passerelle l’accompagnent, il essaie d’en préciser le contour.

°°°°°°