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L'ouverture
Le décor : un
bar résumé à l’essentiel.
Les
personnages :
Elle
Lui
Le passager
Acte Premier
Elle,
derrière le bar, s’ennuie, s’occupe.
Lui, entre, distrait, ailleurs.
Lui : Deux rêves !
Elle :
…
Lui : S’il vous
plait, deux rêves !
Elle : Vous attendez
quelqu’un ?
Lui : Ce serait le
premier !
Elle : C’est le
premier ! Vous attendez quelqu’un !
Lui : Cela
peut-être un rêve.
Elle : Le premier.
Vous le prenez au bar ?
Lui : La terrasse
est fraiche.
Elle : Il n’y a
pas de terrasse, mais ce pourrait être le second ?
Lui : Ah non, j’ai
déjà usé le premier.
Elle : Pas usé,
vous attendez quelqu’un !
Lui : Quelqu’un ou
quelque chose !
Elle : Ou quelque
chose. Je n’ai pas encore pris votre commande, et puis vous ne m’avez pas dit ou
vous souhaiteriez la consommer !
Lui : Pas la
terrasse.
Elle : Il n’y a
pas de terrasse.
Lui : Le bar ne me
dit rien.
Elle : Cette
table ?
Lui : Pourquoi
pas. Ou cette autre ?
Elle :
Installez-vous ! Je vous sers.
Lui : Il tourne
en rond, hésite entre les différentes tables, s’assied, se lève et finit par
s’asseoir.
Voilà, je suis prêt.
Elle : Je vous
sers : quoi ?
Lui : Deux rêves,
je vous l’ai dit. Deux rêves.
Elle : Il semble
que nous soyons d’accord sur le premier ?
Lui : J’attends
quelqu’un ou quelque chose… ou quelqu’évènement…
Elle : Vous êtes
entré seul et vous savez que peut-être vous ne repartirez pas seul.
Lui : J’attends
quelqu’un ou quelque chose… ou quelqu’évènement…
Elle : Le rêve
n’est que le rêve, il ne contient pas forcément la réponse. Vous attendez, vous
attendez, et voyez-vous, c’est ça le rêve !
Lui : C’est un
rêve…
J’attends.
J’attends. C’est là un rêve !
Attendre ?
Et c’est un rêve ?
Il est manifestement très préoccupé, il se lève, de nouveau cherche une place
qui convienne à son instant, hésite, tourne encore reprenant les dernières
sentences de manière hachée et à la limite de la cohérence.
Elle : Vous êtes
entré.
Lui : Je suis
entré.
Certes, je suis entré.
Je suis entré et vous ai commandé deux rêves.
Elle : Vous êtes
entré et avez commandé deux rêves.
Lui : Oui,
pourquoi ?
Elle : Pourquoi
m’avoir demandé deux rêves ? Pourquoi être entré ?
Lui : Jamais je ne
suis venu ici.
Elle : Le hasard
donc !
Lui : Que je ne
sois jamais venu ici ne signifie pas que j’y sois venu par hasard.
Elle : …
Lui : Le hasard
n’appartient pas au rêve !
Elle :
…
Lui : Le rêve est
notre essence !
Elle : … mais …
mais le hasard ?
Lui : Il peut
approcher nos rêves, ou rapprocher deux rêves.
Il n’est pas de nos rêves, c’est un être.
Un être comme nous et nous nous rencontrons.
Elle : Ces rêves
que vous veniez chercher ici ?
Lui : Ces rêves ?
Elle : Vous êtes
entré ici sans hasard et m’avez demandé deux rêves.
Lui : Vous m’avez
entendu.
Elle : Je vous ai
répondu.
Lui : Parce que
vous avez su m’entendre.
Elle : Ma réponse
vous a … plu… ?
Lui : Je l’ai
entendue et j’ai cherché ma place. Elle pouvait se trouver là.
Elle : A attendre
un ailleurs ?
Lui : Un ailleurs
en moi-même et que j’ignore encore.
Un rêve encore en moi.
Elle : Que n’a pas
encore libéré votre sommeil.
Lui : Cet abandon
de moi.
Elle : Abandon ?
Retrouvailles !
Lui : Je me
chercherais donc.
Elle : Ainsi de
nous, de chacun d’entre nous. Je crois qu’il s’agit là de notre principale
occupation.
Lui : Vous êtes
bien aride pour sourdre quelque rêve.
Elle : Je suis une
bistrote, rien de plus qu’une bistrote. Vous êtes entré, et j’ai joué le jeu,
sûrement par ennui. Je ne sers que du rêve d’alcool pour ceux qui veulent le
trouver là.
Lui : Peut-être
était-ce là ma commande.
Elle : Vous avez
dit deux rêves. Je vous ai entendu.
Lui : Et m’avez
répondu.
Elle : Vous êtes
toujours là.
Lui : Sans rêve.
Sans rêve et sans alcool.
Elle : Vous avez
le premier.
Au moins ai-je essayé.
Lui : J’attends.
J’attends ainsi je rêve.
Elle : Je vous
sers un alcool ?
Lui : Me restera
un rêve ?
Elle : Un rêve
n’est pas un vœu.
Vous irez peut-être ce soir bien au-delà de votre prime commande.
Je ne suis qu’un moyen.
Lui : Je veux bien
un whisky.
Elle : Ce
peut-être une porte.
Mais que seront vos rêves ?